Étron, étron, petit pâté rond

« Trop tard !

— Comment ça, trop tard ?

— T’as marché dedans…

— Eh merde ! 

— Il n’a pas mangé de viande depuis longtemps, celui-là. On dirait de la crème de marron.

— Ah ! Putain ! Ça remonte sur le haut des semelles. Y’a pas une fontaine dans le coin ?

— Si, sur la place du Marché.

— Marché dedans, oui... AH ! BORDEL !

— Ce matin j’ai lu un drôle de truc dans le journal. Des parents ont pris du sursis parce qu’ils élevaient leurs enfants au milieu des ordures et des excréments. L’appartement en était littéralement jonché. Les agents des services sociaux ont même trouvé un chien et un chat morts.

— Au moins, ces deux-là chieront plus.

— A l’audience, les parents ont expliqué qu’ils étaient déprimés.

— Le chien et le chat ?

— Non, les parents.

— Si j’avais posé un étron au milieu de la cuisine chaque fois que j’ai été déprimé, il y a belle lurette que j’aurais de la merde jusqu’aux yeux.

— Pour l’instant, t’en as seulement en haut des semelles.

— Rigole…

— La mère a dit qu’ils étaient déprimés parce qu’elle a fait une fausse couche et qu’elle a perdu ensuite un enfant en bas âge.

— Eh ben, c’est autant de culs en moins à torcher !... Mais elle est OÙ cette fontaine ?

— Là, devant toi.

— T’as un kleenex ?

— Tiens.

— Et puis alors le daim, merci. C’est la dernière fois que je me paie une paire de pompes comme ça.

— De nos jours, pour marcher en ville, il faut des bottes. Les bottes Le Chameau, c’est les bottes qu’il te faut !

— Voilà, c’est propre. T’as vu ?... Mais je confirme : dernière fois que j’achète du daim.

— Tu savais que le daim, c’est généralement de la vache ?

— Bonne nouvelle ! J’aurai moins de scrupules à m’en débarrasser.

— T’aimes pas les vaches ?

— Je les adore. Dans mon assiette. Et au moins, quand on les chie, elles font de beaux étrons, bien fermes, bien longs. Pas de la crème de marron.

— Certes. Mais tu ne chies pas non plus sur le trottoir.

— Chiche ! Le jour où les chiens marcheront dans nos merdes, peut-être qu’ils réfléchiront à deux fois avant de barbouiller l’asphalte.

— Ce jour-là, ils porteront des pompes en daim. »